Les mille vies du groupe Voïvod en vedette à Fantasia

Les mille vies du groupe Voïvod en vedette à Fantasia

 

Après des années de tournage et de montage, le documentaire Voïvod: We Are Connected sera finalement présenté en première mondiale au Festival Fantasia, ce lundi 29 juillet. Le réalisateur Felipe Belalcazar nous parle de ce projet ambitieux qui revient sur les mille vies du groupe de Jonquière, éminence grise du métal dans le monde depuis 42 ans.

C’est dans sa Colombie natale que Felipe Belalcazar a eu vent de Voïvod pour la première fois. Déjà à 10 ou 11 ans, il voyait plusieurs jeunes arborer des t-shirts du groupe, qu’il ne connaissait alors que par son univers visuel distinctif, signé depuis 1982 par le batteur Michel Away Langevin. Les gars qui portaient des vestes de Voïvod, ils étaient badass, se souvient-il.

Les trois hommes posent pour une photo.

Michel «Away» Langevin et Denis «Snake» Bélanger, respectivement batteur et chanteur de Voïvod, en compagnie du réalisateur Felipe Belalcazar (au centre)

Photo : Courtoisie de Felipe Belalcazar / Felipe Belalcazar

En 2000, le cinéaste et sa famille ont quitté leur pays natal pour les États-Unis, puis pour le Canada, après y avoir obtenu le statut de réfugiés politiques. J’ai grandi en écoutant du Metallica et du Black Sabbath, et quand j’ai déménagé, dans ma tête, j’étais dans l’épicentre de tout ça, explique Felipe Belalcazar, qui a atterri en banlieue de Toronto à 16 ans.

À un certain moment, en tant que jeune qui écoute du métal, tu tombes sur Voïvod et tu as deux réactions possibles : soit ce n’est pas pour toi, soit [ça marche]. À l’époque, c’était trop métal pour moi.

De fil en aiguille, le jeune mélomane a troqué Ride the Lightning de Metallica contre des albums plus lourds, mais il a aussi exploré d’autres genre musicaux, comme le jazz et le rock progressif. J’ai trouvé d’autres styles de musique qui cochaient plusieurs des mêmes cases que le métal, sans être du métal.

Comme me le disait en entrevue Martin Eric Ain, [feu chanteur du groupe suisse] Celtic Frost, il existe plus de nuances d’obscurité que simplement le noir.

Une citation de Felipe Belalcazar, réalisateur de Voïvod: We Are Connected
Pochette d'album montrant un soldat ressemblant à un squelette, avec un fusil d'assaut à la main.

La pochette du premier album de Voïvod sorti en 1984, «War and Pain», conçue comme le reste des visuels du groupe par le batteur Michel «Away» Langevin.

Photo : Site web de Voïvod

Le son extraterrestre de Voïvod

C’est en revenant à Voïvod quelques années plus tard que Felipe Belalcazar a compris ce qui fait l’attrait du groupe. Lorsque tu écoutes divers styles et que tu reviens à Dimension Hatröss [quatrième opus paru en 1988], c’est une expérience complètement différente, explique-t-il.

Même si tu ne joues pas de guitare, tu sais que les accords sont différents, ça sonne presque comme Chick Corea ou Snarky Puppy, poursuit-il en évoquant le jeu particulier de Denis Piggy D’Amour, guitariste de Voïvod jusqu’en 2005 avant d’être emporté par le cancer du côlon à 45 ans.

L'homme sourit devant un mur en lattes de bois.

Denis «Piggy» D’Amour, cofondateur et guitariste de Voïvod jusqu’à son décès en 2005

Photo : Page Facebook de Voïvod

Le son unique de Voïvod est déconstruit en long et en large dans le documentaire de deux heures et demie de Felipe Belalcazar, avec l’intervention de plusieurs figures connues du métal, comme Mikael Akerfeldt, leader du groupe suédois Opeth, Zach Blair (Rise Against, GWAR) et Tobias Forge (Ghost), ou encore Jason Newsted, ancien bassiste de Metallica qui a joué avec Voïvod de 2002 à 2008.

Entendre ces vétérans de la scène et d’autres mélomanes comme l’animateur George Stromboulopoulos parler avec autant de passion de Voïvod permet de saisir l’étendue de l’influence tentaculaire du groupe, malgré son relatif anonymat aux yeux du grand public.

Il y a tous ces accords jazz étranges qui se retrouvent dans un entonnoir de musique métal, et ça sonne aussi cru et aussi dangereux que d’autres groupes qui jouent des power chords, explique dans le documentaire le chanteur et guitariste Danko Jones, leader du groupe de hard rock du même nom.

Les nombreux membres de Voïvod, ceux de la formation actuelle et de celles d’antan, y vont aussi de généreux témoignages sur l’ADN musical du groupe, ainsi que sur son univers visuel et thématique éclaté, porté sur la science-fiction, les armes nucléaires et la destruction de la planète.

Photo aérienne d'un quartier de la ville de Jonquière.

Les membres fondateurs de Voïvod sont nés à Jonquière, près d’une grande usine d’aluminium, ce qui a contribué à leur imaginaire postapocalyptique.

Photo : Festival Fantasia

Les mesures du succès

Le film aborde aussi les nombreuses périodes sombres qu’a traversées le groupe en quatre décennies, du départ temporaire de Denis Snake Bélanger en 1995 au décès de Piggy, en passant par l’accident de la route qui a failli coûter la vie au chanteur Eric Forrest en Allemagne.

Malgré ces coups durs, Voïvod a continué d’avancer comme un rouleau compresseur, livrant une quinzaine d’albums, jusqu’à tout récemment avec Synchro Anarchy, lauréat d’un prix Juno en 2023, et Morgöth Tales en mai dernier.

Voïvod, c’est une énergie. Quand on est sur scène, on sent qu’il y a un nuage d’énergie qui plane au-dessus des musiciens. Et aucun des membres du groupe n’est plus grand que cette énergie, explique Felipe Belalcazar, paraphrasant Dominic Rocky Laroche, bassiste actuel de Voïvod.

Les quatre membres du groupe posent pour une photo promotionnelle.

La formation actuelle de Voïvod comprend (de gauche à droite) Dominic «Rocky» Laroche, Daniel «Chewy» Mongrain, Michel «Away» Langevin et Denis «Snake» Bélanger.

Photo : Site web de Voïvod / Gaelle Beri

Infiniment modeste, le groupe qui a partagé la scène avec des mastodontes comme Metallica et Iron Maiden n’a jamais cherché la gloire, trop occupé à trouver comment s’exprimer de la façon le plus authentique possible.

Ces gars-là ont eu du succès à leur manière, observe Felipe Belalcazar. Le Black Album de Metallica est resté 750 semaines [non consécutives] dans le palmarès Billboard 200 et c’est fantastique, mais ce n’est pas la seule mesure du succès.

Bien sûr, ce ne sont pas des chouchous du Billboard, mais je crois qu’ils en sortent gagnants. Être fan de Voïvod, c’est comme être membre d’une société secrète.

Une citation de Felipe Belalcazar, réalisateur

Le documentaire Voïvod: We Are Connected sera présenté dans sa version originale anglaise, avec des sous-titres en français, au Festival Fantasia le lundi 29 juillet à 21 h 15 (Nouvelle fenêtre) à l’Auditorium des diplômés de la SGWU (Théâtre Hall). Les membres du groupe et le réalisateur Felipe Belalcazar seront sur place pour s’entretenir avec le public après la projection.

Une exposition intitulée Voïvod: Rebel Robots, qui rassemble des artéfacts du groupe et plusieurs œuvres signées par Michel Away Langevin, sera présentée à la BBAM! Gallery le lundi 29 juillet, de 16 h à 19 h, ainsi que le mardi 30 juillet, de 12 h 30 à 18 h.

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